Invitée par la diplomatie française en France aux fins d’aboutir à une solution négociée de la crise ivoirienne qui a éclaté le 19 septembre 2002, la délégation du MPCI a pleinement participé à l’élaboration du processus ayant abouti à la décision de constituer un Gouvernement de Réconciliation Nationale dont la mise en place tarde à voir le jour, malgré les recommandations du Sommet de Paris et de l’ensemble de la Communauté internationale.
Dans le présent aide-mémoire, le MPCI par l’entremise de son Secrétaire Général, M. Soro Kigbafori Guillaume présente et explique le processus adopté et arrêté à Paris par les principaux responsables politiques ivoiriens en présence de personnalités respectables.
I. LA PREMIERE ETAPE
Date : vendredi 24 janvier 2003
Lieu : Quai d’Orsay, Bureau du Ministre Dominique de Villepin
Heure : 19 H 30
Ce vendredi 24 janvier 2003. Il est environ 19 H, lorsque dans nos appartements de Marcoussis, nous sommes invité au Quai d’Orsay pour une rencontre.
A 19 H 30, une fois au Quai d’Orsay, nous sommes appelé dans le bureau du Ministre Dominique de Villepin où sont déjà installés aux côtés du Ministre, MM. Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Nous sommes invité à occuper le dernier siège encore vide.
Nous apprendrons par la suite que l’ordre du jour de cette réunion était consacré à la désignation d’un Premier Ministre de Consensus, conformément à l’accord de Marcoussis signé la nuit dernière.
Signalons que les débats s’étaient déjà engagés lorsque nous sommes entré dans le bureau. Les autres avaient déjà fait des propositions de personnalités aptes à assurer le poste de « Premier Ministre de Consensus ».
Nous devrions donc proposer un nom comme l’avaient déjà fait les autres.
Pour rappel, M. Laurent Gbagbo avait proposé M. Essy Amara et M. Seydou Diarra.
M. Henri Konan Bédié avait proposé son ancien Premier Ministre, M. Daniel Kablan Duncan.
M. Alassane Dramane Ouattara proposait le Professeur Henriette Dagri Diabaté.
Le MPCI par la voix de son Secrétaire Général a opté de soutenir la candidature du Professeur Henriette Dagri Diabaté, que proposait M. Alassane Dramane Ouattara.
Au cours des débats, M. Laurent Gbagbo objecte la candidature du Professeur Henriette Dagri Diabaté. Son argumentation est axé sur le fait que Mme le Professeur Henriette Dagri Diabaté serait très politiquement marquée, parce que n°2 du RDR. Pour M. Laurent Gbagbo, qui affirme pourtant que le Professeur Henriette Dagri Diabaté est la seule personne avec laquelle il s’entend parfaitement au RDR, la candidature de la n°2 de ce parti lui pose un problème particulier.
A la suite des échanges, le Ministre Dominique de Villepin proposait à tous de bien réfléchir afin qu’en marge de la conférence des chefs d’Etat, prévue le lendemain samedi 25 janvier 2003, une nouvelle rencontre soit prévue pour discuter de la composition du Gouvernement de réconciliation nationale et de la désignation du Premier Ministre de consensus.
La première séance fut donc levée ce vendredi 24 janvier 2003 aux environs de 20 H. Et nous sommes retourné à Marcoussis d’où nous sommes reparti le lendemain pour Kleber.
II. LA DEUXIEME ETAPE
Date : samedi 25 janvier 2003
Lieu : Kleber, Paris
Heure : 10 H 00
Arrivée à Kleber aux environs de 10 H pour l’ouverture de la conférence des Chefs d’Etat. Après l’ouverture du sommet par le Président français, M. Jacques Chirac s’est retiré dans un bureau en compagnie de MM Kofi Annan, Omar Bongo, Laurent Gbagbo.
Nous avons par la suite été invité dans un autre bureau, où quelques minutes plus tard sont rentrés ensemble le Ministre Dominique de Villepin et M. Laurent Gbagbo.
A la demande de M. Laurent Gbagbo qui voulait savoir si nous avions bien réfléchi à notre sujet de la veille, nous avons acquiescé.
M. Laurent Gbagbo a fait une nouvelle proposition que nous avons rejetée. Il venait de proposer M. Koné Al Moustapha, ex Directeur de l’Office nationale d’identification. Il a aussitôt exigé que nous proposions nous aussi trois noms.
Nous avons cité les noms du Professeur Henriette Dagri Diabaté, MM. Louis André Dacoury-Tabley et Soro Guillaume.
En guise de réaction, M. Laurent Gbagbo a estimé que nous n’avions proposé qu’une seule personne. Déduisant ainsi que MM. Louis André Dacoury-Tabley et Soro Guillaume n’étaient en somme rien du tout.
Sur ces entre faits, M. Laurent Gbagbo est ressorti en compagnie de M. Dominique de Villepin certainement pour rejoindre le bureau jouxtant où se trouvaient déjà MM Chirac, Bongo, Annan comme nous devrions nous en rendre compte plutard.
Il convient de noter qu’à cette brève discussion, était présente la conseillère du Ministre de Villepin, Mme Nathalie de Lapalme.
III. LA TROISIEME ETAPE
Date : samedi 25 janvier 2003
Lieu : Kleber, Paris
Heure : 11 H 30
Quelques minutes après nous sommes inviter, à notre tour, à rejoindre les autres. Nous faisons notre entrée dans le bureau et toutes ces personnalités assissent comme suit : d’abord M. Annan, à sa droite M. Bongo, suivait M. Chirac et M. Gbagbo, une place vide certainement réservée pour nous et enfin M. De Villepin.
C’est M. Jacques Chirac qui prend la parole. Pour lui, cette rencontre visait deux objectifs : le désarmement et la paix.
Nous avons répondu que notre présence à Paris s’inscrivait dans ce créneau. C’est pourquoi, il était bon de savoir que le MPCI s’engageait à désarmer s’il y avait la paix. Cependant, le désarmement devait se faire comme stipulé dans les accords de Marcoussis signés l’avant veille.
Nous avons expliqué que la cote d’ivoire connaissait une partition de fait. Pour qu’elle retrouve son intégrité territoriale, il fallait que M.Gbagbo (s’il demeurait président) donne la main à un premier ministre que nous proposerions.
Pour nous, nous avions déjà fait une importante concession en acceptant que Gbagbo reste au pouvoir. En contrepartie, la désignation du Premier ministre de consens devait nous revenir. Nous avons donc insister sur la personnalité du professeur Henriette Dagri Diabaté, la seule personnalité de l’opposition avec laquelle M. Laurent Gbagbo s’entendait.
Notre vision était nette : ensemble main dans la main, ce couple politique devait pouvoir parcourir le pays afin de réconcilier les Ivoiriens.
La réponse de M. Laurent Gbagbo est suivie d’une menace de démission. Car il estime qu’il ne peut cohabiter avec le professeur Henriette Dagri Diabaté. En fin de compte, M. Laurent Gbagbo, abandonnant la candidature de M. Essy, a insisté sur la personne de M. Seydou Diarra.
Notre dernière réaction était que si M. Laurent Gbagbo devait désigner le Premier Ministre, nous réclamerions une contrepartie : que les ministères de la Défense et de la Sécurité soit octroyés au MPCI.
Après qu’à la demande de M. Jacques Chirac, M. Laurent Gbagbo ait marqué son accord à ce « gentlemen agreement », MM Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara ont été invités à se joindre à nous, d’autant plus qu’un premier consensus entre le MPCI et M. Laurent Gbagbo venait de se dégager quant à la désignation du Premier Ministre.
Avant leur entrée dans le bureau, M. Jacques Chirac avait proposé qu’il soit permis à chaque grande formation de bénéficier de deux ministères d’Etat. Proposition acceptée par M. Laurent Gbagbo.
M. Jacques Chirac leur fait le point de la situation et les invite à se prononcer, en précisant que M. Laurent Gbagbo avait certes désigné le Premier ministre, mais en contrepartie, il acceptait que les ministères de la défense et de l’intérieur reviennent au MPCI.
Si M. Henri Konan Bédié a marqué son accord aux propositions faites à la suite de l’explication qui lui a été fournie, M. Alassane Dramane Ouattara n’a en revanche trouvé aucun commentaire à faire.
IV. LA QUATRIEME ETAPE
Date : samedi 25 janvier 2003
Lieu : Kleber, Paris
Heure : 14 H 30
C’est à la suite de ces accords que M. Jacques Chirac a demandé que M. Laurent Gbagbo rejoigne la salle de conférence afin d’annoncer publiquement le nom du Premier ministre consensuel. Ce qui a été fait, puis la séance fut suspendue pour le déjeuner. Le contenu des autres ministères d’Etat devant être désignés plus tard.
C’est pourquoi afin de gagner du temps, en compagnie du nouveau Premier ministre Seydou Diarra, de MM. Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Alassane Dramane Ouattara et nous même avons déjeuné à la même table.
Puis nous nous sommes retrouvés à cinq pour la définition définitive du contenu et de l’attribution des autres ministères d’Etat, étant entendu que chaque grande formation devait bénéficier de deux postes : MM. Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara, Seydou Diarra et Soro Kigbafori Guillaume.
La répartition faite en présence du Premier Ministre Seydou Diarra est la suivante :
Ministères d’Etat chargés de la Défense et de l’intérieur + 5 ministères : MPCI
Ministères d’Etat chargés de l’Economie et des Finances et des Mines et Energie + 5 ministères : FPI
Ministères de l’Agriculture et de la Justice + 5 ministères : RDR
Ministères d’Etat chargés des Affaires étrangères et des Infrastructures économiques + 5 ministères : PDCI
Le dernier Ministère d’Etat devant échoir à l’ensemble des autres formations politiques invitées dans la salle pour communication de leur part qui était un seul poste pour chacune.
MM. Akoto Yao, vice président de l’UDPCI et le Professeur Francis Wodié, Premier Secrétaire du PIT s’étant plaints de la portion incongrue qui était la leur, à savoir un seul ministère, nous avons demander au premier ministre Diarra de plaider leur cause et de revoir à la hausse le nombre de postes devant leur revenir.
C’est ainsi qu’à la demande du PIT et de l’UDPCI, il fut décidé de plaider auprès du Président Jacques Chirac un dixième ministère d’Etat et un ministère ordinaire en plus. Ce qui fut fait et obtenu.
Puis, interrogés par le Président Jacques Chirac, toutes les formations ivoiriennes se dirent satisfaites et c’est ensemble autour du Président français que les parties ivoiriennes qui étaient le PDCI, le PIT, le MPCI, le RDR, le MFA, l’UDCY, l’UDPCI, le RDR, le MPIGO et le MJP, sont entrées dans la salle de conférence des Chefs d’Etat et des bailleurs de fonds.
M. Jacques Chirac a donné la parole à M. Laurent Gbagbo qui s’est dit heureux, car nous venions de trouver la paix. Il a confirmé qu’il avait choisi Seydou Diarra comme Premier Ministre pressenti qui sera nommé plus tard à l’Ambassade de Côte d’Ivoire à Paris où sera signé le décret de nomination.
M. Laurent Gbagbo, par la suite invitait M. Seydou Diarra a présenté la mouture du Gouvernement de réconciliation nationale.
Le nouveau premier Ministre prit la parole pour dire à l’assistance que les parties ivoiriennes étaient tombées d’accord pour former un gouvernement de trente-cinq membres dont dix ministères d’Etat.
M. Seydou Diarra par la suite a lu dans la salle devant tout le monde la répartition des postes ministériels ci-dessus énoncées.
M. Laurent Gbagbo devait aller à l’Ambassade de Côte d’Ivoire à Paris, signer le décret de nomination de Seydou Diarra au poste de Premier Ministre et donner la mouture du Gouvernement de réconciliation nationale.
M. Laurent Gbagbo l’a-t-il fait ? Nous ne saurions en dire plus, mais voici comment les négociations ont été menées pour aboutir à la formation du Gouvernement de réconciliation nationale que le Premier Ministre de consensus, M. Seydou Diarra doit diriger jusqu’à la prochaine élection présidentielle.
La dernière étape de ce processus s’est déroulée devant plusieurs témoins. Tous sont les participants au Sommet des chefs d'Etat sur la Côte d'Ivoire qui s’est tenu les 25 et 26 janvier 2003 à Kleber. Ce sont :
Bénin : M. Mathieu KEREKOU,Président de la République
Burkina Faso : M. Blaise COMPAORE,Président de la République
Cap-Vert : M. Pedro Verona RODRIGUES PIRES,Président de la République
Côte d'Ivoire : M. Laurent GBAGBO,Président de la République
Gambie : M. Ousman BADJIE,Ministre de l'Intérieur et des affaires religieuses
Ghana : M. John KUFUOR,Président de la République
Guinée : M. François Louncény FALL, Ministre des Affaires étrangères
Liberia : M. Charles TAYLOR, Président de la République
Mali : M. Amadou TOUMANI TOURE, Président de la République
Niger : Mme Haïchatou MINDAOUDOU, Ministre des Affaires étrangères
Nigeria : M. Sule LIMIDO, Ministre des Affaires étrangères
Sénégal : M. Abdoulaye WADE, Président de la République
Sierra Leone : M. Fode M. DABOR, Ambassadeur en France
Togo : M. Kofi SAMA, Premier Ministre
Allemagne : M. Fritjof VON NORDENSKJOELD, Ambassadeur en France
Angola : M. Joao Bernardo MIRANDA, Ministre des Affaires étrangères
Autriche : M. Georg LENNKH, Directeur pour la Coopération et le Développement au
Ministère des Affaires étrangères
Belgique : M. Jan MUTTON, Directeur Afrique au Ministère des Affaires étrangères
Cameroun : M. Paul BIYA, Président de la République
Canada : M. Emile GAUVREAU, Ambassadeur en Côte d'Ivoire
Danemark : M. Hans Henrik BRUUN, Ambassadeur en France
Espagne : M. Francisco Elias de TEJADA LOZANO, Ambassadeur désigné en Côte d'Ivoire
Etats-Unis : M. Mark BELLAMY, 1er Directeur adjoint Afrique au Département d'Etat
Finlande : M. Esko HAMILO, Ambassadeur en France
France : M. Jacques Chirac, Président de la République
Grèce : M. Iakovos SPETSIOS, Directeur d'Afrique au Ministère des Affaires étrangères
Irlande : M. Darach Mac Fhionnbhairr, Chargé d'Affaires en France
Italie : M. Paolo SANNELLA, Ambassadeur en Côte d'Ivoire
Japon : M. Hideaki DOMICHI, Directeur Général des Affaires d'Afrique sub-saharienne au Ministère des Affaires étrangères
Luxembourg : M. Jean-Marc HOSCHEIT, Ambassadeur en France
Pays-Bas : M. Louis PIET, Directeur-adjoint Afrique au Ministère des Affaires étrangères
Portugal : M. Antonio Victor MARTINS MONTEIRO, Ambassadeur en France
Royaume-Uni : M. James BEVAN, Directeur Afrique au Foreign Office
Suède : M. Frank BELFRAGE, Ambassadeur en France
Organisation des Nations Unies : M. Kofi ANNAN, Secrétaire Général
Union Africaine : M. Tabo MBEKI, Président de la République Sud Africaine
Union Européenne : M. Romano PRODI, Président de la Commission Européenne
Et M. Javier SOLANA, Secrétaire Général du Conseil,
Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune
Organisation Internationale de la Francophonie : M. Abdou DIOUF, Secrétaire Général
CEMAC : (Comité Economique et Monétaire d'Afrique Centrale) : M. Omar BONGO,
Président de la République du Gabon
Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme : M. Bertrand RAMCHARAN, Haut-Commissaire adjoint
Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés : M. David LAMBO, Directeur du Bureau pour l'Afrique Programme des Nations Unies pour le Développement : M. Zephirin DIABRE, Administrateur associé
Fonds Monétaire International : M. Abdoulaye BIO-TCHANE, Directeur du Département Afrique
Banque Mondiale : M. Callisto MADAVO, Vice-Président Afrique
Banque africaine de Développement : M. Omar KABBAJ, Président
Comité International de la Croix Rouge : M. Jacques FORSTER, Vice-Président
Voici décrit, le récit succinct que nous faisons du gouvernement de réconciliation tel que négocié à Paris. Nulle part, l’un des participants ne peut prétexter ni la fatigue, ni la contrainte.
C’est bien librement et en toute connaissance de cause que nous avons marqué, les uns et les autres, notre accord au dit gouvernement. Il ne tient qu’à chacun de respecter ses engagements dans l’intérêt de la paix en Côte d’Ivoire.
Récit de Monsieur Soro K. Guillaume
Secrétaire général du MPCI.
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